THE FOUNTAIN Vs. SUNSHINE (Vs. SOLARIS)

13 Oct

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Comme j’ai pas eu le fax sur le thème SF du mois dernier je vais me rattraper ce mois-ci. Il y a du bon à être en Tchéquie et d’avoir les films dans le désordre. Le mois dernier par exemple j’ai pu voir SUNSHINE et THE FOUNTAIN a deux semaines d’intervalle, un paradoxe temporel qui m’a bien fait cogiter. Si le premier est un pur film de SF, je n’ai pas pu m’empêcher de lui trouver avec le second (plus métaphysique que scientifique) quantité d’atomes crochus. Premier point, le plus évident, dans les deux films nous avons un voyage vers un soleil/une étoile. C’est une figure obligée de la SF, mais les objectifs diffèrent toujours (Georges Lucas, lui, envoie Luke Skywalker détruire l’Etoile Noire parce que c’est une méchante étoile !) et ici dans les deux cas nous avons affaire à une étoile qui se meurt. Donc, l’objectif est de sauver. Pour Sunshine il s’agit de sauver l’humanité, et pour The Fountain… Pareil ! D’accord, Tom a surtout pour but de sauver sa femme (ou de la retrouver) mais il faut bien comprendre qu’il est l’ultime être humain en vie dans tout le cosmos. Et là, pour ceux qui ont vu le film vous vous dites : quoi ? Parce qu’il n’est fait aucune mention de la Terre ou de ses habitants au 26e siècle. Cependant, si vous avez la bande originale du film (Clint Mansell, encore une fois monstrueux) vous verrez que le thème musical qui accompagne l’apparition de Tom l’astronaute se nomme The Last Man ! CQFD. Donc Tom est l’ultime être humain et sa quête n’est pas aussi égoïste qu’on peut le croire. Car je vous le demande : une fois qu’on est le dernier être humain au monde, est-ce que le mot égoïsme signifie encore quelque chose ?
Deuxièmement : le vaisseau spatial. Danny Boyle a commandé le sien à la NASA avec un réalisme tout kubrickien. Aronofsky, lui, a réduit le sien à sa plus simple expression : une bulle qui semble se mouvoir par la pensée. Toutefois, dans les deux cas, nous avons pour point commun que ces deux vaisseaux emportent un écosystème, une serre, qui leur fournit nourriture dans les deux cas et à chaque fois l’épuisement ou la destruction de cette serre est fatal. Souvenons-nous au passage de Silent Runner, le premier film de SF écolo ou un vaisseau-serre traverse l’espace et le temps dans un but semblable à celui de ces deux films : sauver / protéger. Néanmoins, l’arbre qui accompagne littéralement Tom à travers l’espace n’est pas qu’un stupide morceau de bois. D’une part, pour ce qu’il représente pour Tom (il l’identifie à sa défunte femme) et aussi pour l’humanité car cet arbre n’est pas n’importe lequel : c’est l’Arbre de Vie. Celui qui permet à Tom de traverser le cosmos sans vieillir et celui qui doit permettre à la Vie de renaître. Et c’est là qu’intervient le Divin. Car pas de bonne SF sans présence divine ! Même Danny Boyle n’y échappe pas puisqu’il montre avec le personnage de Pinbaker, capitaine d’Icarus I, l’influence du voyage interstellaire sur un esprit humain (thème qu’on retrouve dans Solaris). Pinbaker s’est trouvée une autre mission et dérive dans l’espace en attendant les anges. Il veut, il le dit, être le Dernier Homme (tiens tiens, The Last man ?), celui qui fera face à Dieu. Il n’a plus l’intention de sauver l’humanité, mais de la condamner, de la renvoyer à la poussière originelle, comme le grand inquisiteur Silecio dans The Fountain. Il n’est pas fait mention de croyance en Dieu chez Tom (apres tout il est scientifique, même s’il s’appelle Creo) mais l’ironie veut qu’il devienne à son tour Dieu, d’une part grâce à son envie démiurgique de trouver un remède à la mort (Death is a disease, there’s a cure, and i’ll find it !) et donc de devenir immortel (première des qualités pour laquelle c’est cool d’être Dieu) et ensuite grâce à son sacrifice (désintégré par la supernova, il va servir d’engrais si je puis dire à l’Arbre de Vie, comme le mythe maya dont lui avait parlé sa femme – comme quoi il n’y a pas que Jesus qui sait se sacrifier). En ce sens, il se rapproche davantage du personnage de Cillian Murphy qui amorce la bombe stellaire et fera face lui aussi à un final dantesque. Deux coïncidences pour finir : dans les deux films, nous avons Cliff Curtis au casting. Et surtout dans chaque film les deux derniers mots prononcés, le sont par une femme, et sont identiques : Finish it ! Et c’est ainsi que deux films conçus à des milliers de km l’un de l’autre ont finalement davantage en commun que ce qu’on pourrait croire par la magie de la science-fiction.

PS : ce qu’on peut lire au-dessus était mon article version longue pour le numéro 24. Je m’apprêtais à le publier ici tel quel, jusqu’à ce que je revois à la télévision le Solaris de Steven Soderbergh. Je fais déjà mention de Solaris dans l’article, mais je pensais surtout à celui de Tarkovsky. Or, en revoyant le Solaris que Soderbergh a tiré du roman de Stanislas Lew, je me suis aperçu qu’il avait tout à fait sa place ici. Là aussi, nous avons un homme, Kelvin, qui a perdu sa femme. Une mission le propulse sur la base orbitale qui essaie de perçer le mystère de Solaris, la planète-esprit. Et c’est là qu’il va retrouver sa femme, ou quelque chose qui y ressemble en tout cas. Soderbergh diffère beaucoup de Tarkovsky dans son traitement, surtout dans la mesure où Tarkovsky, nourri de mysticisme chrétien, sondait le rapport de l’homme à l’univers et à la vie. Soderbergh, lui, suit une pente différente, avec au bout du chemin le thème (très américain) du Paradis Perdu. Et dans son cas, le Paradis est retrouvé ! Car qu’est-ce que le Paradis ? Un homme, une femme, et basta, pour l’éternité ! En choisissant de rester sur la station, Kelvin retrouve son Paradis : il devient immortel (il se coupe avec un couteau, et sa plaie se referme miraculeusement, comme pour le Conquistador de Foutain). Les dernières minutes du film montrent d’ailleurs Kelvin et Rheya réunis, car Death shall have no dominion, comme il est dit dans le poème de Dylan Thomas qui sert de mot de passe aux amants.

En somme, mon article sur la science-fiction est un bel échec. En m’attardant sur ces trois films, je ne traite au final que du thème du Paradis Perdu. Un thème lié aux Etats-Unis eux-mêmes (les Puritains, the Manifest Destiny, la Nouvelle Jerusalem, etc…). Boyan a absolument raison en disant que le film d’Aronofsky est porté par une grande innocence. C’est cette recherche d’une innocence primordiale qui lie ces films. D’une innocence perdue.

Solaris

Sunshine

 

2 Réponses to “THE FOUNTAIN Vs. SUNSHINE (Vs. SOLARIS)”

  1. Boyan samedi 13 octobre 2007 à 160421 #

    Le paradis perdu est un thème fort dans Matrix également; pilule bleue (illusion d’un bonheur) ou pilule rouge (dureté d’une réalité).

  2. tzbfvr@gmail.com lundi 30 novembre 2015 à 170544 #

    salut ton blog ne s’affiche pas correctement sous le navigateur Demonecromancy version 53 je pense que c’est un bug qui doit provenir du theme WordPress je vais essayer sous Firefox pour voir http://swaggmansataniste.tumblr.com/post/134267556825/swagg-man-est-il-sataniste

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