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Les dilettantes (épisode 2/28)

13 Mai

/// Pendant un peu plus d’un an, Guérine Regnaut et Romain Sublon se sont prêtés au jeu de la correspondance cinéphile. Un film, un échange. L’un propose, l’autre répond… é basta!  ///

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Ces films dont on ne vous parle pas (épisode 32)

14 Fév

// THE FALL – Tarsem Singh //

Le casting du prochain Godard est assez inattendu.

On avait laissé Tarsem Singh sur The Cell, véhicule peu reluisant pour Jennifer Lopez. C’était en 2000. On pouvait dès lors noter les fulgurances visuelles. Disparu de la planète cinéma, on pensait le pubard revenu à ses premiers amours, au film court, à la vente de savon en 25 secondes chrono. Mais il arpentait le monde à la recherche de lieux d’exception, pour un récit d’exception, pour un film qui viendrait marquer l’histoire du cinéma. Pardonnez la grandiloquence, mais The Fall est une invitation aux superlatifs.

Dans un hôpital du Los Angeles cerné d’orangeraies des années 20, une enfant rencontre un cascadeur suicidaire et immobilisé. Il lui raconte une histoire destinée à l’amadouer, une parabole qui l’inciterait à lui voler de la morphine en douce. Elle s’éprend du récit, s’attache à son conteur. Ils projettent leurs rêves dans cette fiction. Le conte sublime leur réalité. Le principe n’est pas nouveau : ces êtres qui télescopent leur univers dans le fantasme ont traversé les générations, du Magicien d’Oz à l’Histoire sans fin. Mais Singh semble porter le concept à son paroxysme.

Son leitmotiv est simple, et se résume à un mot : sublimation. Les lieux, les personnages, les décors, la photographie sont simplement éblouissants. Singh assume son délire pictural, convoque Dali, s’appuie sur la 7ème symphonie de Beethoven. Le réalisateur se fout de toute cohérence. Des paysages désertiques aux palais indiens en passant par les cités espagnoles, il globalise le beau. De son aveu, il n’y aurait aucun effet spécial. Les lieux, les paysages, seraient authentiques. Mais au cinéma, où règne le culte de la fabrication, ce type d’assertion n’a aucun intérêt.

On retient la démarche. Et chez d’autres, ce type de démarche a souvent engendré le dédain. La forme pourrait et devrait logiquement phagocyter le fond. Le spectateur irait donc sombrer dans un ennui poli au bout d’une heure de métrage. The Fall est simplement sauvé par son lyrisme. Dans son dernier tiers, sous l’impulsion du désespoir du narrateur, le conte bascule dans le drame égocentrique et se fait déchirant. Le cascadeur saborde son récit héroïque. On élude toute valeur morale. On se déchire en 24 images secondes. Le récit d’apprentissage que l’on pouvait anticiper se défausse, pour laisser la place à un mélodrame impudique et généreux.

Là, en une poignée de scènes, Tarsem Singh abandonne un statut de faiseur d’images. Il est un cinéaste puissant, évocateur. Son film n’est plus un bel accessoire. C’est une grande histoire aux superbes artifices, un objet incomparablement séduisant.

Greg Lauert

A savoir : d’une manière très surprenante, le film n’a pas eu les honneurs d’une sortie en salle en France. Les échos très positifs des festivals et un excellent bouche à oreille n’auront pas suffi à décider les distributeurs.

THE FALL de Tarsem Singh // 2006 // 117 minutes // 1.85 : 1 // Avec Catinca Untaru, Lee Pace, Justine Waddell, Leo Bill.

[cinéphilie :] Gérald Hustache-Mathieu

14 Jan

Gérald Hustache-Mathieu (réalisateur d’Avril, déjà avec Sophie Quinton) était à Strasbourg pour présenter son second long métrage, Poupoupidou (sortie le 12 janvier 2011). L’action de ce nouveau film se passe à Mouthe, ville la plus froide de France, où David Rousseau (Jean-Paul Rouve), auteur de polar à succès qui se rêve -stérilement- l’égal de James Ellroy vient toucher un héritage. En quittant la ville, il passe devant la dépouille de Candice Lecoeur (Sophie Quinton) que la police extirpe de la neige. Rousseau se persuade que la starlette locale ne s’est pas suicidée et entreprend une enquête à la manière d’Ellroy, tandis que Candice, morte, l’observe. Poupoupidou est un film d’atmosphère, qui utilise astucieusement le « mythe Marilyn Monroe » et convoque des images qui font tilt chez les cinéphiles. Raison de plus pour soumettre Gérald Hustache-Mathieu à l’exercice de la « cinéphilie » ! Voici ses réactions aux  films suivants.

CERTAINS L’AIMENT CHAUD (Billy Wilder) :

Certains l’aiment chaud, d’autres l’aiment froide… Je les ai revus en fait les films avec Marilyn, et dans celui-là ce qui m’a frappé c’est à quel point ils filment son apparition en cadrant son cul et ses seins. Elle arrive dans la gare –d’ailleurs le plan a été refait un nombre incalculable de fois pour que ce soit vraiment parfait : ils font un travelling, ils font arriver ses seins et ensuite, on filme son cul qui se dandine dans cette petite robe. On voit à quel point l’image de la femme, et de cette actrice, à Hollywood, se résumait à ça. Avec une perruque blonde. C’est ce qui m’a le plus choqué, bizarrement, en revoyant le film. Et juste après, elle monte dans le train et, pareille, elle se penche et là on voit son décolleté… Je ne sais pas, j’ai presque été… C’est marrant, c’est comme si avant je me souvenais de tout le reste du film, de tout ce qui me charmait dans le film, et pour le coup, après avoir lu tous les livres sur Marilyn, d’un seul coup je prenais la mesure de cette espèce d’irrespect d’Hollywood à son égard, au fond. Je crois que c’est ce qui a fait que dans mon film, je voulais dire, et elle le dit Candice d’ailleurs à un moment donné, voilà : « les fans, après, ils veulent ton cul et tes seins et c’est tout ce qui les intéressent ». Et bizarrement, vous voyez, quand vous m’en parlez maintenant, Certains l’aiment chaud, ben peut-être qu’il aurait dû s’appeler Certains l’aiment chaude.

LE DAHLIA NOIR (Brian De Palma) :

Ah ? Moi quand on me dit Le Dahlia Noir je ne pense pas au film, je pense au livre évidemment, et je pense à James Ellroy immédiatement. Cela dit, il y a beaucoup de choses dans le film que j’ai aimé. Ce que j’aime le plus chez De Palma, c’est sa passion pour Alfred Hitchcock. Il y a des gens qui trouvent que c’est un pâle copiste, moi au contraire c’est ce qui m’intéresse les plus chez lui. Je trouve que c’est quelqu’un qui a l’audace, justement, d’aller sur le terrain d’Hitchcock, d’essayer… Voilà, Hitchcock il n’a eu de cesse que de réinventer le cinéma, alors Brian De Palma n’est pas Alfred Hitchcock, mais je trouve que par moments il touche une belle émotion. Ce qui me reste du Dahlia Noir… Oui, je vous dis : à chaque fois je pense à James Ellroy et à ce meurtre qui a hanté toute sa vie, cette noirceur. Cette noirceur dont je suis incapable. Parce que j’ai ce point commun avec David Rousseau, je crois que, tout au fond de moi, ce n’est pas que j’aimerais être James Ellroy, mais j’aimerais pouvoir l’être ne serait-ce qu’une heure. C’est-à-dire que j’aimerais pouvoir faire un film qui aurait la dimension d’un livre d’Ellroy. Et en fait, je suis foncièrement plus léger. Foncièrement moins noir. Je suis envahi de lumière quand j’écris, je suis romantique, comique, et j’ai beaucoup de mal à aller vers la noirceur, à assumer ça, alors que je pense que j’ai aussi cette part-là en moi. Peut-être que c’est ça qui a donné aussi ce personnage de cet auteur qui voudrait être quelqu’un d’autre et qui au fond comprend qu’on ne peut être que soi-même.

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Ces films dont on ne vous parle pas (épisode 24)

20 Déc

// LA JEUNE FILLE DE L’EAU – M. Night Shyamalan //

Kim Jong-il déteste être réveillé en pleine nuit.

Shyamalan est un auteur désarmant, voué à troubler habilement ses observateurs de par l’évolution de sa carrière. En 1999, avec Le sixième sens, il est proclamé entertainer en chef de l’industrie, dans le sillage de Steven Spielberg. Ses œuvres suivantes n’auront de cesse de rompre avec cette image.

La jeune fille de l’eau est le film de la singularisation définitive. Shyamalan, qui a quitté le giron Disney, met en scène un conte pour enfant, teinté de candeur comme de rancœur. Pour porter à l’écran l’histoire d’un gardien d’immeuble tentant de faire fuir une nymphe vivant dans sa piscine, il fallait un grand cinéaste. Le postulat est abracadabrant. Le spectateur reste perpétuellement sur le fil, face à un long métrage qui pourrait en un instant basculer dans le ridicule absolu. La mise en scène, sincèrement virtuose, emporte l’adhésion. Et il y a cette conviction si rare.

Shyamalan ne connait pas le cynisme. Il croit en chaque plan, en chaque ligne de dialogue. Il ne cherche pas à désamorcer son propos dans l’humour. Il y a un engagement total dans le récit. Ce cinéaste a, comme peu d’autres, la foi dans son art. Alors, il le confronte à ses limites, il tire sur la corde. Jouer les prestidigitateurs du 7ème art ne lui suffit plus. Il tente le film somme ; supposé séduire le jeune public, tirer à gros boulets sur ses détracteurs (le cynisme de l’analyste, merveilleusement interprété par Bob Balaban) et revenir aux arcanes de la narration.

La démarche du personnage de Paul Giamatti correspond à celle d’un auteur réunissant les différents éléments constituant un récit. L’ambition de Shyamalan tourne à la mégalomanie lorsqu’il se réserve un rôle d’écrivain messianique. De son histoire viendra le salut. Les intentions peuvent prêter à rire, mais le résultat impressionne. On ne peut nier l’auteur, on ne peut nier la fascination profonde que suscite son cinéma. Il a manipulé son public avec ses quatre films précédents, se révélant un conteur au talent unique. Peu à peu, il ne s’est plus contenté d’une alliance de frayeur et d’émotion. Il a introduit son regard sur le monde, puis son regard sur le cinéma. Enfin, il offre un regard sur son propre statut de cinéaste prodige.

Avec La jeune fille de l’eau, Shyamalan se montre indéniablement vaniteux, comme nombre de grands cinéastes se sont montrés vaniteux avant lui. Mais cette vanité se conjugue avec la générosité et l’ambition, avec une certaine folie aussi, dans ce qui est sans doute son œuvre la plus personnelle à ce jour.

Greg Lauert

A savoir : Disney aurait dû produire le film, comme les quatre précédents du cinéaste, mais des différents artistiques ont poussé Shyamalan a apporter le projet chez Warner.

LA JEUNE FILLE DE L’EAU de M. Night Shyamalan // 2006 // 110 minutes // 1.85 : 1 // Avec Paul Giamatti, Bryce Dallas Howard, Bob Balaban, Jeffrey Wright, Freddy Rodriguez.

Ces films dont on ne vous parle pas (épisode 18)

8 Nov

// TRUANDS – Frédéric Schoendoerffer //

Tomer Sisley, roi du stand up.

« On me beurre pas la raie, à moi. «  C’est en ces termes imagés, prononcés par un Philippe Caubère survolté, que le film de Frédéric Schoendoerffer devrait passer à la postérité. Le fils de l’autre, que l’on pensait si sobre, si précis, si documenté, si peu enclin à verser dans la gaudriole, livre une œuvre grotesque et inbouffable. Le profession rit, le public fuit.

Pourtant, Truands est un film sincère. Un de ces films que le spectateur ne veut simplement pas voir. Ici, le crime n’est pas un ascenseur social et les gangsters n’ont rien de sublime ou de fascinant. L’auteur se vautre dans le grand guignol, soit. Mais l’excès est inhérent au monde qu’il dépeint. Si les personnages sont grotesques, c’est parce qu’ils sont le reflet précis de leurs modèles. On est pas chez  José Giovanni. Ici, le truand est con, beauf et dégueulasse.

Caubère, comédien brillant et bien trop rare, ne pouvait pas mettre en lumière des aspérités inexistantes. Il est au plus près de la rue et de sa réalité. Son personnage est un artisan du sang, involontairement drôle, réellement terrifiant, indéniablement brut.

Réfuter l’approche de Schoendoerffer, c’est réfuter le sujet. Si le film suscite à ce point le rejet, c’est sans doute du fait de son déni total du romantisme. Les cinéastes ont si souvent voulu se convaincre des valeurs du banditisme. Dans Truands, il n’y a pas d’amitié, pas de fidélité, pas de pacte sacré. Les personnages croient appartenir à une famille, et la mort les confronte à leur indépendance et leur solitude.

Schoendoerffer compile les faits divers. La torture à coups de perceuse dans le genou, l’exécution de Corti en pleine rue…. Ces événements ont émaillé les deux dernières décennies de l’histoire du grand banditisme en France. Le véritable Corti s’appelait Genova. L’homme aux genoux percés court toujours.

Le réalisateur peine à toucher le cœur de son récit, à dégager la problématique de ce foutoir. Il n’y a pas d’histoire, mais un vaste constat d’inhumanité. Sur ce sujet, le documentaire était impossible. Le truand est joueur. Il ne dit pas sa vérité à la caméra. Schoendoerffer, dans cette superbe bouffonnerie fictive, a peut être capté toute la violence et la vacuité des rapports illégaux.

En sortant de la salle, les détracteurs du film auront conclu qu’il valait mieux en rire. Ses admirateurs pourront se faire la même remarque…

Greg Lauert

A savoir : la lecture de Parrains et Caïds de Frédéric Ploquin, paru chez Fayard, offre un éclairage très intéressant sur le rapport du film à certains faits réels.

TRUANDS de Frédéric Schoendorffer // 107 minutes // Interdit aux -16 ans // 2.35 : 1 // Avec Philippe Caubère, Benoit Magimel, Olivier Marchal, Béatrice Dalle, Tomer Sisley.

[dvd :] PARC – Arnaud des Pallières

13 Oct

Ed. Montparnasse

Georges Clou a une femme, un fils, un chien, un boulot stable, une maison luxueuse au Parc (ville privée bourgeoise sur la Côte d’Azur) et il va à l’église le dimanche. Paul Marteau est un bel homme solitaire et mélancolique qui supporte mal le monde, mais désir tout de même y appartenir. Il s’installe au Parc, les deux hommes se rencontrent, deviennent amis. Marteau trouve un nouveau but dans la vie : réveiller le monde en crucifiant l’idéal qu’incarne Georges Clou.

Difficile d’avoir un avis fixe face à une œuvre telle que Parc parce qu’elle est intéressante autant qu’agaçante. Intéressante car sa mise en image regorge de qualités : Arnaud des Pallières tient ses distances et installe une atmosphère fragile, sombre, d’un calme inquiétant qui laisse croire à une future explosion des plus violentes. Pour arriver à cela, le réalisateur choisit de jouer avec son spectateur en déconstruisant son scénario sans jamais oublier une pièce du puzzle. Parc reste cohérent jusqu’à son final et sa déconstruction prend sens au fur et à mesure. Arnaud des Pallières, apparemment amoureux des visages masculins de son casting, filme les excellents Sergi Lopez, Jean-Marc Barr et Laurent Delbecque avec une attention irréprochable, mais aussi avec une certaine amertume ; aucun personnage ne vaut mieux ou moins qu’un autre, le milieu social privilégié dans lequel ils sont leur donne l’impression de vivre loin des soucis d’un monde proche de l’apocalypse, ils ne s’en préoccupent que très peu (ils lisent le journal, regardent les infos pour se donner bonne conscience) et oublient presque leurs propres vices. Et c’est ici que le film devient agaçant…

Optant pour l’idée que le danger provient toujours de l’intérieur, Parc s’engouffre dans une critique sociale qui ne manque pas de donner une impression de déjà vu et entendu : on s’approche de plus en plus du Septième continent de Michael Haneke (en beaucoup moins intéressant) tout en adoptant une démarche similaire à celle de Gus Van Sant période Elephant et en faisant même du coude à la Society de Brian Yuzna (en beaucoup moins fun). Parc ne se veut pas enragé, il se veut comme une expérience à la limite du fantastique, observatrice et réfléchie, d’une violence plus interne qu’explicite. Mais la retenue du film gâche la tension présente et laisse place à un ennui des plus frustrants. De temps en temps, la réalisation arrive à prendre le dessus et fouette notre rétine avec une force étrange, mais elle finit toujours par se ranger, devient timide. Arnaud des Pallières présente une fin qui laisse perplexe et inspire finalement une forme de complaisance. Parc démarre en tentant de se démarquer du lot pour finir par se fondre dans la masse malgré une proposition de départ assez captivante qui ne politise jamais trop son sujet et le milieu social qu’il décrit.

Le dvd proposé par les éditions Montparnasse n’offre malheureusement aucun bonus en rapport direct avec Parc, préférant intégrer un documentaire du même réalisateur datant de 1999 : Is Dead (portrait incomplet de Gertrude Stein). Une série d’archives mélangées avec des images contemporaines autour de l’œuvre et la vie de l’écrivain Gertrude Stein… Peut-être qu’il vaut mieux connaître l’œuvre de l’écrivain en question pour trouver un quelconque intérêt à ce portrait.

Rock Brenner

[cinéphilie :] Hossein Martin Fazeli

9 Juin

"Tricko"

"Tricko"

La cinéphilie que le réalisateur du très sympatoche court-métrage Tricko nous offre est très brève. Espérons que son passage derrière la caméra ne le soit pas… Hossein Martin Fazeli nous livre ses impression sur les films suivants :

UNE VERITÉ QUI DÉRANGE

de Davis Guggenheim

Un bon film. Il prouve que le contenu et plus important que la forme. Dans ce cas il n’y a vraiment pas de forme ! Le fait est qu’en dehors de son contenu, tout dans ce film craint !

LE PETIT SOLDAT

de Jean-Luc Godard

Un film formidable. Godard disait la vérité et n’était pas conscient du fait que personne ne l’écoutait !

NIGHT ON EARTH

de Jim Jarmusch

Un bon film. 6 sur 10. Je ne suis pas fou de Jarmusch néanmoins.

FARENHEIT 9/11

de Michael Moore

De la bonne et saine propagande ! Ce type fait des films qu’il aime aller voir. J’aime le suivre !

Propos recueillis par Rock Brenner

Traduits de l’anglais par François-Xavier Taboni

Entretien avec Hossein Martin Fazeli

8 Juin

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« Be aware of what you wear! » (« Soyez conscient de ce que vous portez !« ) qu’il y a écrit sur l’affiche de Tricko. Faites attention à votre apparence, à l’idée qu’elle peut faire circuler. A ces remarques, pas mal de gens balanceraient fièrement « Je m’en fous de ce que pensent les gens ! Je veux rester fidèle à moi-même ! » et c’est une très bonne réflexion, mais son calibre demeure totalement inoffensif lorsque l’on vous empêche de dégainer ces mots pour des raisons idéologiques, politiques ou culturelles. Tricko s’intéresse à une guerre d’idées et de cultures.

Mark Pollack est à moitié américain et à moitié slovaque. Il vient visiter la Slovaquie et en cours de route il s’arrête à un petit magasin pour faire quelques courses. Il y fait la connaissance du vendeur, Tomas. Derrière son comptoir trône un drapeau américain et une petite télévision passant un match de base-ball. Les deux hommes sympatisent sur ce sport, sur la raison de la visite de Mark et sur le T-shirt de Tomas sur lequel on peut apercevoir « Dieu est…« . Ravi, Tomas ouvre grand son gilet et laisse découvrir la phrase entière : « Dieu est… mort. – Nietzsche« . Une dispute éclate…

Tricko est le premier vrai court-métrage de Hossein Martin Fazeli (il avait réalisé quelques Spots TV, des poèmes filmés, des documentaires et des clips). Il a été tourné en noir & blanc en Slovaquie en 2006 et possède toute l’énergie d’une première petite oeuvre qui parvient sans mal à faire remarquer l’existence de son réalisateur. Dans le fond, Tricko semble bien plus travaillé que dans la forme (filmé caméra à l’épaule et parfois un peu à l’arrache), mais c’est trompeur car elle témoigne d’une volonté de placer le spectateur au milieu d’une dispute qui écarte volontairement toute coqueterie esthetique pour mieux le replacer en tant qu’être à l’esprit critique.

Dans ses Spots TV, Fazeli faisait déjà preuve d’un véritable intérêt pour le thème des chocs culturels et l’intolérance, et d’un radicalisme cruellement efficace pour tenter de réveiller les esprits les plus endormis (notamment dans le couillu The Blind Man).

Fazeli vient de terminer son second court-métrage, Inscribed, toujours tourné en noir & blanc, cette fois-ci au Canada (sa crèche – Fazeli, lui, est d’origine iranienne) et sur fond de drame psychologique, et aborde le sujet d’un chauffeur de taxi rencontrant un écrivain qui va le pousser à s’ouvrir à sa part d’enfance…

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