// GONE, BABY GONE – Ben Affleck //
L'Apartheid, acte 2.
Le grand auteur de polar est souvent indissociable de sa ville. Comment évoquer Ellroy sans évoquer Los Angeles ? Pour Dennis Lehane, le terreau, c’est Boston, ses faubourgs, son immense communauté irlandaise. Ben Affleck, acteur ultra brite et nouveau cinéaste mésestimé, a grandi sur les trottoirs en question. Il en avait notamment tiré le scénario de Good Will Hunting avec Matt Damon, compère de la première heure. La rencontre entre la mécanique du polar de Lehane et la connaissance du milieu par Affleck donne naissance à une œuvre passionnante.
Gone, baby, gone raconte un kidnapping, dans un quartier populo-populaire de Boston. Guère de surprise au niveau du thriller, rondement mené mais classique en diable. L’intérêt du métrage est ailleurs, et il est double.
En premier lieu, il y a Casey Affleck, trop jeune pour son rôle, trop roublard pour être pleinement crédible, et pourtant trop brillant pour être ignoré. Gone, baby gone confirme le talent entrevu dans L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford. Ce mec à l’ œil torve, le regard par en dessous des très grands. Il est tout ce que son frère n’est pas : ambigu, finaud, charismatique.
Et puis il y a le regard du réalisateur. Ben Affleck semble suffisamment intelligent pour saisir qu’il n’est pas Eastwood. Il adapte Lehane une poignée d’années après le succès de Mystic River. Il s’éloigne donc de la veine mélodramatique, franchement casse gueule quand on n’a pas la carrure, pour aborder le film sous un angle sociologique. Il s’affranchit du lyrisme exacerbé. Gone, baby, gone, c’est avant tout la loi du contexte.
L’histoire d’un privé qui évolue dans une zone sinistrée, qu’il connait pour y avoir grandi. Sur la populace, le regard de l’auteur n’est jamais condescendant. Le film dégage un humanisme naïf et désespéré, quelque part très courageux.
Son final est une véritable gifle. Sans sensationnalisme, Affleck tord le cou au romantisme classique. Kenzie, le privé doucereux, croit en son trottoir, garde un semblant de foi dans ses semblables. Ou peut être est il simplement trop lâche pour assumer une grande décision. Le doute plane.
Gone, baby, gone, c’est l’histoire très simple d’une compromission, d’un choix assumé dans le doute et sans héroïsme.
Greg Lauert
A savoir : il s’agit sans le moindre doute de l’adaptation la plus discrète de Lehane au cinéma. Ses deux autres romans portés à l’écran sont Mystic River, par Clint Eastwood, et Shutter Island par Martin Scorsese.
GONE BABY GONE de Ben Affleck // 2007 // 114 minutes // 1.85 : 1 // Avec Casey Affleck, Michelle Monaghan, Morgan Freeman, Ed Harris.
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