Ces films dont on ne vous parle pas (épisode 6)

16 Août

// FEUX ROUGES – Cédric Kahn //

Quoi ? Ca vous étonne Carole Bouquet qui mange des groseilles ?

C’est un roman américain, écrit par un auteur français, adapté pour l’écran dans l’Hexagone, à l’américaine. Feux rouges, polar de Cédric Kahn, cultive le paradoxe. Simenon avait signé l’adaptation de sa propre nouvelle, pour Burt Lancaster. Dans la version de 2004, c’est Jean Pierre Darroussin qui découvre l’enfer des routes estivales.

Ce n’est pas tout à fait un road movie, bien que Kahn s’emploie à filmer le bitume, le reflet des enseignes de bar et les traces de pneu du véhicule. Mais le voyage importe peu. Ce qui passionne le réalisateur, c’est la déraison de son personnage. Comme les protagonistes de L’ennui, de Roberto Succo, ou des Regrets, le héros de Feux rouges est en rupture.

Il exprime son mal être, cultive une faille psychologique. Il se sent à l’étroit, comme un train lancé sur des rails. Alors, il s’autorise un détour, un crochet, pour concrétiser sa vision du mâle qui sommeille en lui. La sortie de route devient un dérapage incontrôlé. L’écart devait être fictif : quelques détours sous les néons, quelques whiskys dans le gosier. Mais inconsciemment, et selon ses termes, Darroussin va tout salir pendant une nuit.

La mauvaise rencontre importe peu. Ses mésaventures ne sont que l’inavouable consécration de ses pensées. Dans un flash back embrumé, le personnage principal se revoit, alangui sur son lit, fumant un joint avec sa femme en fin de soirée. La scène ne manque pas d’évoquer Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick. Les deux films se répondent, dans leur exposition d’une âme médiocre qui explore ses fantasmes inassumés. Bien sûr, chez Kahn, il y a un passage à l’acte, une résurgence du drame, une responsabilité.

Darroussin continue ainsi à boire au matin. Il voudrait prolonger vainement l’hébétude et la schizophrénie. Son personnage ne sera toutefois jamais rattrapé par sa réalité criminelle. La punition de ses actes, ce sera la paix sociale. Il reprend la route, en serrant la main de sa femme, en se promettant de laisser derrière eux les conséquences de ses actes.

Comme Série Noire, d’Alain Corneau, Feux rouges est une adaptation de roman noir fondée sur un grand personnage gris. Le polar, c’est l’art de nuancer les couleurs.

Greg Lauert

A savoir : Feux rouges est une nouvelle de Simenon écrite pendant sa période américaine. Elle a été proposée à Cédric Kahn par son agent Dominique Besnehard, dans une sélection de nouvelles de l’auteur prolixe qui n’auraient encore jamais fait l’objet d’une adaptation au cinéma.

Fiche technique : Feux rouges de Cédric Kahn // 2004 // 105 minutes // 1.85 : 1 // Avec Jean Pierre Darroussin, Carole Bouquet, Vincent Deniard

2 Réponses to “Ces films dont on ne vous parle pas (épisode 6)”

  1. Boyan lundi 16 août 2010 à 90941 #

    Salut Greg,
    j’aime bien tes chroniques. Le fait de parler de choisir tes films sur une base perso est cool aussi.
    Deux suggestions techniques sinon. Quand on utilise la fonction «recherche» du blog on ne voit que les titres des articles, ce serait bien que le nom du film y figure aussi… Et pour les photos, mieux vaut ne pas dépasser 425 pixels de large sinon elles partent sur la droite.
    Et puis pour finir: quid de twitter ? T’en fait plus ?
    à+,
    Boyan

  2. Greg LAUERT lundi 16 août 2010 à 101046 #

    merci pour ces conseils, Boyan, je vais en toucher un mot à notre cher Romain qui s’occupe de la mise en ligne de mes chroniques.
    Je sais que pour les photos, on est parfois réduit à peu de choix selon les films.

    Pour Twitter, je ne suis qu’un horrible voyeur. Je suis les tweets de pas mal de monde sans participer activement.

    Je suis content que la chronique plaise en tout cas. Je vais essayer de tenir le rythme pendant une année, de proposer chaque semaine un titre qui me tient à coeur.

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